16 mai 1241. Ce fut lors de cette nuit pluvieuse que vint au monde Aren dans la ville d’Oxenfurt. Tout aurait pu s’évérer joyeux pour tout le monde si le dernier né de la fratrie n’avait pas tué sa mère en couche. Cette histoire, que son père lui a compté maintes et maintes fois de manière accusatrice, continue de le hanter encore aujourd’hui. Ce dernier n’a en effet jamais pardonné à son fils d’avoir, malgré lui, mis fin aux jours de l’amour de sa vie. Son grand frère quant à lui, dévasté par cet événement, lui rendit la vie impossible dès le début de son existence. La jeunesse de notre ami ne fut ainsi pas des plus réjouissantes. Oh, il vécu bien plus confortablement que la plupart des pauvres miséreux qui peuplaient la contrée ! Son père, forgeron d’armes de son état, tenait en effet une échoppe dans les beaux quartiers d’Oxenfurt, et la clientèle fortunée qui venait régulièrement lui rendre visite assurait un revenu relativement important à la petite famille. Aren, tout comme son frère, travailla un temps dans l’échoppe. Contrairement à son grand frère cependant, il ne bénéficia pas du moindre enseignement quant à l’art de la forge. Il resta ainsi cantonné au comptoir de l’entreprise familiale. Les talents innés que possédaient Aren dans l’art de la négociation et du commerce forcèrent cependant son père à lui permettre de bénéficier d’une éducation suffisante pour apprendre à lire, écrire et compter, celui-ci reconnaissant l’utilité future de développer de tels dons.
En 1260 cependant, le jour de ses 19 ans, Aren décida de fuir cette ambiance délétère et de s’engager dans l’armée royale rédanienne. Il s’agissait à ses yeux de la seule manière de prendre ses distances tout en lui permettant de percevoir une solde pour vivre décemment. Il n’eut cependant pas le courage de confronter son paternel à ce sujet, et se contenta d’une simple lettre déposée en pleine nuit, juste avant son départ.
- Aren a écrit:
Père,
Lorsque vous lirez ces mots, je serai déjà loin.
A l’instant même où vous avez posé les yeux sur moi, vous m’avez haïe. Je n’ai jamais demandé à mettre fin aux jours de mère. Un enfant mérite-t-il de passer sa vie à se voir reprocher quelque chose sur lequel il n’avait aucun pouvoir, et dont il ne conserve aucun souvenir ?
J’ai décidé de m’engager dans l’armée, et de me mettre au service du Royaume. J’espère ainsi, par mon absence, vous permettre à tous les deux de vivre une vie plus agréable. Ma place n’est pas avec vous. Elle ne l’a jamais été.
Je ne reviendrai pas avant plusieurs années.
Malgré tout, je vous souhaite le meilleur. J’espère qu’un jour, vous pourrez me voir comme autre chose que le meurtrier de mère.
Aren
Malgré ses dires, il ne revint jamais vers sa famille. Peut-être par manque de courage d’affronter le regard de son frère et de son père, ou peut-être tout simplement par peur de se faire rejeter. Lui-même ne le savait pas vraiment.
Jeune et naïf à cette époque, il n’avait pas vraiment pris en considération les risques du métier à leur juste mesure. Il faut dire que l’essentiel de sa carrière s’avéra plutôt calme. Il fut conduit à voyages aux quatre coins de la Rédanie en fonction de ses affectations, luttant parfois contre des groupes de bandits un peu trop entreprenant, ou bien des pillards venus des îles de Skelige. Il se révéla un combattant efficace et un épéiste talentueux, tandis que son profil d’homme lettré lui valu de seconder régulièrement ses supérieurs. De simple soldat, il gravit les échelons pour en arriver à disposer d’une petite unité sous ses ordres lorsqu’éclata la seconde guerre nordique. Son second, un homme du nom de Fasoc dit « Le Fourbe » pour sa propension à gagner aux jeux d’argent, devint rapidement son meilleur ami.
L’assassinat du roi Vizimir en Juillet 1267 et le chaos qui suivi en Rédanie n’était que le début de problèmes qui dépassaient de très loin les frontières du Royaume. Il fallut attendre l’assaut massif sur le voisin témérien du Sud pour qu’Aren et sa troupe soient mobilisés dans la guerre qui les opposait dorénavant à l’adversaire le plus puissant auquel les royaumes du nord pouvaient se confronter. Il participa notamment à la bataille victorieuse de Maribor, aidant ainsi à stopper les nilfgaardiens dans leur avancée vers le Nord, mais la plus grande épreuve qu’il eut à affronter fut la bataille de Brenna.
Aren faisait partis de la division dissimulée et menée par Blenheim Blenckert. Leur attaque surprise fut dévastatrice pour l’armée nilfgardienne. Cependant, compte tenu de la position de son unité à l’avant-garde, il eut à déplorer de lourdes pertes. Il avait taillé en pièces un nombre innombrables d’escadrons noirs, hurlé victorieusement, épée levée, à la vue de ses adversaires fuyant désespérément en réalisant que la défaite était proche, mais rien ne l’avait préparé à la vision de Fasoc allongé sur le sol, s’étouffant dans son propre sang. Quant à son unité dans son ensemble… sur les vingt membres qu’elle comptait initialement, seuls quatre avaient survécu. La plupart avait femmes et enfants… et lui ne pouvait que contempler leurs cadavres, certains mutilés au-delà du supportable. Cette grande victoire avait toujours un goût bien amer dans sa bouche.
- Aren a écrit:
Ma Dame,
En ce triste jour de Mars 1268, j’ai le regret de vous annoncer le décès de votre mari, Fasoc. Celui-ci s’est distingué à de nombreuses reprises au sein de mon unité et a servi le Royaume avec bravoure. Par son sacrifice, il a contribué à sauver la Rédanie de la tyrannie des escadrons noirs.
Fasoc était également un ami très cher à mes yeux. Jamais à cours d’une bonne plaisanterie, il était toujours présent pour nous remonter le moral à nos heures les plus sombres. Si je suis encore de ce monde aujourd’hui et capable de vous envoyer cette lettre, c’est en grande partie grâce à lui.
Il s’agit là de bien peu de choses, mais je vous présente mes condoléances. Sachez que je partage votre chagrin.
Si vous avez besoin de quelque chose, sachez que je ferai mon possible.
Aren,
Sergent de l’Armée Royale de Rédanie
Secoué par la mort de son ami et second, ainsi que par les horreurs auxquelles il avait assisté tout au long de ce conflit, Aren quitta l’armée quelques temps après la signature de la Paix de Cintra. Il ne partit cependant pas sans conserver aucun souvenir. L’épée et la lame courte qu’il avait utilisé lors de sa dernière bataille lui paraissait bien peu de choses face à tout ce qu’il avait donné pour le Royaume.
Utilisant les économies qu’il avait réalisé au cours de ses nombreuses années au service du Roi, il fit également l’acquisition d’un cheval et se lança sur les routes. Parcourant depuis lors les royaumes du Nord, il se complait dans sa nouvelle vie de mercenaire et de chasseur de primes. La guerre l’a rendu extrêmement cynique, et mieux vaut à ses yeux mettre fin aux jours de parfaits inconnus n’étant pas totalement innocent, plutôt que de voir ses proches de faire massacrer dans une bataille sanglante.
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